Musée du Léman

Les destins croisés du Musée du Léman et de Pro Novioduno

Le Musée du Lac Léman a vu le jour en juillet 1954, sur proposition de Me Edgar Pelichet, avec le soutien de l’ADIN (Association des intérêts de Nyon, devenue l’actuel Office du tourisme). Me Pelichet devance ainsi – avec satisfaction ! – un projet genevois. Dévoué à sa région, il est le président de Pro Novioduno depuis 1945 (son mandat prend fin en 1957). Le Musée fonctionne modestement, avec le soutien actif de Me Pelichet qui, lorsqu’il prend sa retraite, continue de s’en occuper bénévolement.

En 1971, la Municipalité propose la fermeture du Musée, estimant qu’il ne contient que «des rogatons ne valant pas le coût de leur transport à la décharge» (!). A l’appel de Me Pelichet, Bernard Glasson, qui lui a succédé à la tête de Pro Novioduno, décide de sauver le musée et s’oppose courageusement à la décision municipale. Un inventaire photographique des lieux est réalisé. Pro Novioduno mandate Alain Jeanneret (directeur du Musée d’ethnographie de Genève) pour faire l’audit de la situation. Celui-ci conclut que «l’utilité d’un tel musée n’est pas à démontrer et qu’il serait très regrettable d’envisager sa fermeture». Il propose un nouveau concept d’exposition pluridisciplinaire intégrant tous les aspects culturels et naturels du Léman.

L’année suivante, Pro Novioduno charge une commission de réorganiser le musée et d’établir un budget pour les travaux à effectuer. Un préavis de Fr. 291 000. – est finalement déposé au Conseil communal. Malgré l’engagement du syndic Maurice Ruey, le préavis est refusé et une première polémique s’ensuit dans la presse. Un second préavis est déposé en 1973 pour un montant de Fr. 349 000.-. Il est refusé cette fois par la Municipalité et seuls quelques travaux d’entretien mineurs sont réalisés.

La Municipalité fait traîner les choses. Un propriétaire de bateau est autorisé à utiliser les locaux durant la période de fermeture hivernale. Des litiges éclatent avec Me Pelichet, accusé de conserver chez lui des pièces importantes (p. ex. une statue celte). Il doit s’expliquer. En fait Me Pelichet avait le souci de préserver les pièces les plus importantes. Puis la Municipalité demande un nouveau report de tous les travaux en raison de la situation financière difficile (choc pétrolier). Malgré tout, en avril 1974, Bernard Glasson le proclame haut et fort : le Musée du Léman vivra ! Il a gagné le soutien de la population de Rive et de diverses associations lémaniques. Un groupe d’amis et de bénévoles entreprend la rénovation des expositions. La mobilisation est si forte que la Municipalité revient sur sa décision et autorise l’ouverture.

Le 11 juin 1975, seconde ouverture. On peut lire dans la presse(24 H): «Grâce aux bonnes volontés et au dévouement, enfin un vrai Musée du Léman!».

Pendant les trois premières années, le Musée est géré par un groupe de bénévoles qui accomplissent des miracles. Grâce à eux, de nombreux objets de collection sont recueillis, tels que le canot de pêche avec son matériel et la donation du peintre Abraham Hermanjat. Pro Novioduno offre 10 000 francs pour de nouvelles vitrines et finance également l’achat de la roue à aubes du bateau Général Dufour pour 2500 francs.

L’ouverture de la Galerie Abraham Hermanjat inaugure le succès : en 1977 plus de 5000 visiteurs sont recensés durant l’été. Sous l’impulsion de Pro Novioduno, un nouveau projet pour le Musée est établi en 1978 par André Jeanneret. On demande une extension sur 750 m2, avec un objectif de 10 000 visiteurs annuels. La machine de l’Helvétie est achetée aux ferrailleurs pour Fr. 7000.- sur la base d’une souscription. Sept nouvelles salles sont ouvertes. Le Musée du lac Léman change de nom pour la Maison du Léman (on juge alors le mot «musée» trop rétrograde !).

Le 14 avril 1978, troisième ouverture ! Une structure associative est créée pour gérer l’institution. L’année suivante, le Service des musées de Nyon est créé, avec Roland Labarthe comme chef et Pascale Bonnard comme conseillère scientifique.

La Maison du Léman est dotée d’un budget annuel de fonctionnement de Fr. 15 000. – . La roue du Général Dufour, repeinte en rouge et destinée à servir d’enseigne à la Maison du Léman, est envoyée à Lucerne au Musée des transports pour éviter sa démolition. La presse en fait ses gros titres : «Quand les Nyonnais confondent pièce de musée et ordures !» (Tribune de Genève du 9 mars 1984).  Aux dernières nouvelles, il semblerait que la roue à aubes pourrait revenir désormais de Lucerne et que le Musée des transports serait disposé à la «rendre» aux Nyonnais !

Les aquariums (les plus grands de Suisse) sont créés en 1985 sur proposition d’André Gay et de Claude Amoudruz : c’est la première action d’envergure réalisée par la nouvelle association AMN (Amis des musées de Nyon). S’ensuivent d’importants travaux de rénovation du bâtiment : façades, toiture, aménagement des salles des combles, ascenseur, cafeteria. En 1989 réouverture discrète : la Maison du Léman devient le Musée du Léman, Mme Bertola est engagée comme conservatrice. Pro Novioduno a donc vu avec plaisir le musée se développer, ouvrir des expositions, créer un site Internet, augmenter et valoriser ses fonds iconographiques, en particulier ceux de la CGN, d’Alinghi et des Piccard. En 2010 (2009) 19 459 (20 956) personnes ont visité le musée qui est le seul musée du bassin lémanique qui traite de tous les aspects du Léman. Les comptes 2010 reflètent le fort engagement de la commune puisque les charges s’élevaient à Fr. 1 160 682 contre des revenus de Fr. 99 404.

Lucienne Caillat

Nos remerciements à Mme Bertola pour sa documentation