Amphithéâtre, passé et avenir

ARTICLE DE LA COTE – 30 AOUT 2018

“Un pas de plus vers la valorisation de l’amphithéâtre”

Inaccessible au public depuis 22 ans, l’amphithéâtre de Nyon deviendra zone d’utilité publique. La Municipalité est enfin parvenue à s’entendre avec le dernier opposant.

PAR ANTOINE GUENOT

C’est une avancée, même si rien de concret ne devrait sortir de terre avant quelques années: le plan de quartier, qui doit permettre de valoriser l’amphithéâtre, va enfin pouvoir être mis en œuvre. La Municipalité est en effet parvenue à s’entendre avec le dernier opposant au projet, un voisin direct, après trois longues années de négociations.

C’était la hauteur d’un édicule, envisagé comme local technique, qui posait problème au riverain. Au départ, quatorze habitants avaient manifesté leur désapprobation. Mais leurs oppositions avaient été rapidement levées, sans que ceux-ci décident de faire recours.

L’application de ce plan de quartier signifie que le terrain, jusqu’ici considéré comme zone à bâtir, va être réaffecté en zone d’utilité publique. Et cela marque une première étape vers l’ouverture et la valorisation du site. «Le dossier va pouvoir revenir sur la table de la Municipalité, qui l’a inscrit dans son programme de législature, indique la municipale de la culture, Fabienne Freymond Cantone. La validation de ce plan de quartier signifie uniquement qu’un certain nombre de volumes sont autorisés sur la parcelle. Rien de plus.»

«Jules II» toujours dans les tiroirs

En 2011, un projet architectural, baptisé «Jules II», avait été retenu par la Municipalité. Plus modeste que sa première mouture (avec musée et installations pour la tenue de spectacles), il prévoyait la construction d’une liaison piétonne surplombant l’amphithéâtre. Et d’un édicule sur deux niveaux (qui posait donc problème au dernier opposant) pour stocker du matériel technique et créer un lien visuel avec la ville.

Ces plans sont toujours dans les tiroirs de la Municipalité «mais ils doivent encore être discutés en profondeur et affinés», indique Fabienne Freymond Cantone. Surtout, ils devront être mis à l’enquête et ce processus devra bien entendu être validé par le Conseil communal. Qui décidera enfin si oui ou non un crédit de réalisation peut être débloqué. On l’aura compris, l’amphithéâtre devrait dormir sous bâches encore quelques années.

Du rêve à l’imbroglio juridique

C’était en 1996. Les pelleteuses d’un vaste projet immobilier mettaient à jour, totalement par hasard, les ruines de l’amphithéâtre. Une fabuleuse découverte pour Nyon, moins pour le promoteur qui n’a pas eu d’autres options que de jeter l’éponge. Et de revendre le terrain au canton.

Rapidement, la Ville le rachètera à son tour et nourrira de grands projets. Au début des années 2000, en collaboration avec le canton, elle avait lancé un concours d’architecture. Les lauréats proposaient alors d’y implanter un musée et d’y construire un parvis public. On envisageait aussi de l’aménager pour pouvoir y organiser concerts et spectacles. C’était le projet «Jules». Trop coûteux et trop compliqué, finalement, d’autant que ces réalisations auraient empiété sur le domaine privé. Et que les riverains s’y opposaient massivement.

En 2011, une nouvelle mouture, plus modeste, voyait enfin le jour sous le nom de «Jules II». Trois ans plus tard, le Conseil communal donnait le feu vert au plan de quartier devant permettre sa réalisation. Mais il aura donc fallu attendre encore trois années supplémentaires pour venir à bout des oppositions.” (fin de l’article de La Côte)

1996 : découverte de l’amphithéâtre

En juin 1996, un mur romain maçonné, épais de plus d’un mètre, apparaît lors des travaux de terrassement en vue de la construction d’un immeuble. La forme elliptique de ce mur ne laisse aucun doute aux archéologues: c’est l’amphithéâtre de Noviodunum. Ce nouveau monument, remarquable par sa taille et sa bonne conservation, est le sixième amphithéâtre mis au jour en Suisse après Avenches, Vindonissa, Augst, Martigny et Berne. Il est classé monument historique en 1997. La Ville de Nyon et le Canton de Vaud entament immédiatement des démarches en vue de la conservation des vestiges. Le site est mis sous des bâches plastiques.

Ampaer

En juillet 2012, pour éviter une dégradation définitive, les pierres de l’amphithéâtre sont déménagées vers le nouveau dépôt des musées de Champ Colin. Stockées sur des palettes, elles seront photographiées, étudiées et documentées.

Projets

En été 2000, forte des résultats d’un sondage d’opinion auprès de la population de la région et désormais propriétaire du terrain, la Ville décide, avec l’aide du Canton, de mettre en valeur le site sous la forme d’un lieu de visite archéologique et de spectacles. Dans ce but, un concours d’architecture à deux degrés est lancé, dont les résultats ont été rendus publics en avril 2002. Six projets ont reçu un prix et un lauréat a été distingué.

Les autorités remettent l’aménagement à plus tard. Une motion est déposée pour faire avancer les choses le 10 juin 2011. Ci-dessous, extrait du rapport de la commission chargé de l’étude de la « motion pour l’aménagement au service de la population du site de l’Amphithéâtre » 14 octobre 2011

Le premier projet « Jules », résultat d’un concours d’architectes en 2006, comporte 6 étapes prévues pour une mise en valeur jugée « grandiose » et très onéreuse par les commissaires. Il faut noter que depuis décembre 2009, il n’est plus possible d’attendre de l’aide financière de la part du Canton, ni de la Confédération à cause d’un moratoire sur les sites archéologiques.

Un nouveau projet « Jules II » (février-mars 2011) est conçu en 2 étapes et propose un aménagement intérieur pour rendre le site visitable, une tour et un mur scénique ainsi que la consolidation du mur d’enceinte.

Jules II diffère de Jules I sur les points suivants :

  • le projet est limité à la parcelle de l’amphithéâtre (le premier projet nécessitait l’achat de parcelles avoisinantes et un modifiaction lourde au parking de l’immeuble adjacent.).
  • l’infrastructure est limitée (pas d’infrastructure pour des spectacles).
  • la tour au sud et le mur à ouest sont maintenus, mais simplifiés.
  • il n’y a pas encore de préavis, simplement une intention de procéder.

La motion « Pour l’aménagement au service de la population du site de l’Amphithéâtre » est renvoyée à la Municipalité pour étude et rapport.

Ci-dessous, extraits du Rapport n° 88 : réponse à la motion M. le Conseiller communal Jacky Colomb du 10 juin 2011, concernant l’aménagement au service de la population du site de l’amphithéâtre

Jules II est budgeté à environ 8,5 millions. Un plan de quartier (PQ) « Amphithéâtre » a été envoyé à l’examen complémentaire en avril 2012. Le rapport a été adressé à la Municipalité en août 2012. Un nouveau Plan de quartier est établi en 2014. En cas d’acceptation, les travaux de réaménagement du site archéologique consisteront tout d’abord à protéger les vestiges. Dans un second temps, à créer les aménagements prévus dans le projet «Jules II».

4 février 2015 : Conseil Municipal : rapport sur l’adoption du plan de quartier “Amphithéâtre”, préavis 183. Le plan de quartier a été approuvé mais n’est pas encore en vigueur (oppositions).

Archéologie

L’amphithéâtre de Nyon, situé au nord de la cité romaine, évoque immédiatement l’engouement qu’éprouvaient les Romains pour les spectacles. Dans l’amphithéâtre se déroulaient des spectacles dont les principaux éléments connus sont les combats de gladiateurs, les chasses (venationes), les exhibitions d’animaux sauvages et, parfois, des exécutions de condamnés à mort.
L’amphithéâtre de Nyon est construit en contrebas de la route menant au vicus de Lousonna/Vidy. Les dimensions de l’arène sont de 50 m dans son grand axe et de 36 m dans son petit axe. Deux portes permettent d’accéder à l’arène. Deux carceres, ces loges où l’on enfermait les animaux avant les spectacles, sont situés face à face. Plus de quatre cents monnaies ont été retrouvées dans l’arène en terre battue.

Deux inscriptions ont été mises au jour. L’une d’elles, qui mentionne l’empereur Trajan, permet de supposer que l’amphithéâtre, dans lequel pouvaient prendre place plusieurs milliers de spectateurs, a été construit au début du 2e siècle de notre ère.

Voir aussi : Pour mieux connaître l’amphithéâtre / François Perret-Giovanna. – In : Bulletin Pro Novioduno, n°23, septembre 1998, p. 4-8

Voir aussi le détail des fouilles sur le site d’Archeodunum : Nyon, Amphithéâtre